Billets

Depuis janvier 2018, vous retrouvez chaque semaine, à la fin de votre lettre InfoFPJQ, sous la plume de journalistes et chroniqueurs bien connus, un point de vue ou une analyse sur l’actualité médiatique.

Les propos reproduits ici n’engagent que l’auteur. La FPJQ ne cautionne ni ne condamne ce qui est écrit dans ces textes d’opinion.

Réflexions sur une étrange campagne

Par Lise Ravary 

Enfin, c’est terminé. Ou presque. Au début, je craignais qu’elle ne commence jamais, cette satanée campagne, tant les chefs des partis marchaient les fesses serrées et dans de la mélasse.  

Amis et collègues ne cessaient de dire qu’ils n’avaient jamais vu une campagne électorale commencer ainsi. À part l’affaire Bourdon et son potentiel de ridicule, nous nagions dans l’ennui le plus total.  

Pas de bing, pas de bang, pas de boom. Pas de feux d’artifice ni de scandales. Juste un autobus psychédélique pour les boomers nostalgiques du Summer of Love. 

Bus aussi beau en son genre que les magnifiques affiches de Québec solidaire, même si des « zinclusifs » antiracistes ont poussé les hauts cris devant l’affiche montrant une jeune femme noire avec un sourire Pepsodent pour annoncer les soins dentaires gratuits. « Stéréotypes ! » Manque de pot : l’artiste était noire.   

Où sont les accidents ? 

Il m’est venu à l’esprit que les médias couvrent les campagnes électorales avec les mêmes attentes que les amateurs de course automobile qui envahissent les circuits non pas pour regarder des autos tourner en rond, mais au cas où il y aurait un accident spectaculaire, avec de la tôle froissée, des tonneaux, des pneus arrachés, des flammes qui jaillissent du moteur et le pilote qui sort de son habitacle triomphant, sans la moindre ecchymose.   

Quand ça cogne, nous tenons une bonne histoire. Quand on se serre la main, il n’y a rien à dire. Quand chacun sillonne le territoire dans son bus, les chances de croiser le fer sont rares.  À moins de s’appeler Justin Trudeau et de chercher le trouble dans les champs de blé d’Inde.  

Au fond, nous attendons tous les débats. C’est à ce moment que les campagnes lèvent, de nos jours.  

La manière de faire des campagnes électorales au XXIe siècle remonte au XIXe siècle, quand les candidats zigzaguaient leur comté avec cheval et buggy pour rencontrer les électeurs. Une fois à destination, une plateforme attendait l’homme de l’heure qui, tel un vendeur itinérant d’huile électrique et d’autres potions-miracles de l’époque, s’époumonait à expliquer pourquoi il était le meilleur et son parti le plus généreux, avant de serrer des mains et d’embrasser des bébés.  

Le journaliste local était là, carnet à la main. Le politicien aussi, enveloppe à la main.  

Et ainsi de suite, jour après jour. Les rares débats avaient lieu dans des salles paroissiales surchauffées, tout le monde mal assis sur des chaises de bois, sauf le monseigneur du coin, pour qui on trouvait toujours un quelconque trône rouge et or.  

Les bus, les pancartes, les photos avec les bébés : tout cela sort du fond des âges.  

Les campagnes électorales prendront-elles un jour le virage numérique ? Ou celui de l’intelligence artificielle ? Aurons-nous, dans un hypothétique futur, des robots pour candidats, incorruptibles et infatigables ?  Pourvu qu’on ne remplace pas les journalistes par des robots.  

De retour en 2018 

Pendant la deuxième semaine, deux scandales à la CAQ. Éric Caire et son emprunt chez monsieur le maire et la démission (fiou) de Stéphane Le Bouyonnec. Caire reste et est blanchi (y a-t-il déjà quelqu’un que les commissaires à l’éthique n’ont pas blanchi en tout ou en partie ?). 

La déferlante de sondages commence. J’ai l’impression que nous accordons plus d’attention aux spéculations liées aux sondages qu’aux programmes. Cela me rappelle que je déteste le journalisme spéculatif.  

En une semaine, les quatre partis promettent pour 20 milliards de dollars de belles choses qui brillent.  

Au fait, où est Véronique Hivon ?  

Microscandale pendant la 3e semaine : Radio-Canada allègue qu’une pub du PQ a été copiée à partir de l’émission À la semaine prochaine. Normalement, ce ne sont pas les médias qui font la manchette, OK ? 

On commence aussi à parler d’immigration. On l’avait presqueoublié, ce sujet-là. J’ai l’impression qu’on en a beaucoup moins parlé que prévu. Dieu merci.  

C’est aussi la semaine de LA citation de la campagne : « Le nain a été payé et bien traité » (CAQ). 

Quatrième semaine, l’environnement débarque dans le décor et va y rester jusqu’à la fin. Il était temps. Les cadres économiques font leur apparition : un « non-event ». ZZZZZZZZZZZZZZZZZ 

Les débats 

Le premier débat impose une nouvelle vedette, après Muguette Paillé : Raymonde « pas tellement » Chagnon. Je la ris encore. Jean-François Lisée éblouit les Québécois par son esprit et son aisance avec les mots. Philippe Couillard est déprimant. On a l’impression qu’il n’a pas envie d’être là. Et François Legault fait du François Legault : il s’enfarge dans ses lacets. Pour notre plus grand bonheur.  

Débat en anglais : division sur sa nécessité. Les anglos découvrent que Jean-François Lisée parle mieux l’anglais qu’eux.  

Rendus au 20 septembre, je commence à en avoir assez, mais le face-à-face à TVA ravive la flamme. Pierre Bruneau démontre qu’il est plus vert que Patrice Roy. Et que François Legault a la couenne plus épaisse qu’une épaule de porc chez Maxi.  

L’accident de la soirée, enfin : Jean-François Lisée attaque Québec solidaire. « C’est qui, le vrai boss ? ». Qui mène à « qu’y a-t-il dans le programme de QS ? » et « où est-il ? » Bonnes questions, mauvais timing. Il n’en demeure pas moins que les médias font gentil-gentil avec Québec solidaire. Le programme de 92 pages frise le délire par endroits. On hésite à le dire.  

On sent que les chefs et les troupes sont fatigués. Les sillons se creusent et les poches sous les yeux se remplissent.  

Pour ma part, j’en ai ras le bol. La semaine de plus était une semaine de trop. Mais, rendu à l’étape finale, bien futé est celui ou celle qui peut dire avec certitude qui va l’emporter et comment. En partie parce que nombre de Québécois, si je me fie aux réseaux sociaux, ne sont excités par aucun des candidats, ni aucun des partis.  

Je crains que le taux de participation ne soit le grand perdant du 1er octobre.  

Tout ça pour ça.  

Lise Ravary est chroniqueuse et blogueuse au Journal de Montréal et au Journal de Québec. Elle a dirigé plusieurs magazines, notamment enRoute d’Air Canada, Elle Québec, Elle Canada et Châtelaine.

Les propos reproduits ici n’engagent que l’auteure. La FPJQ ne cautionne ni ne condamne ce qui est écrit dans ces textes d'opinion.

 

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