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Depuis janvier 2018, vous retrouvez chaque semaine, à la fin de votre lettre InfoFPJQ, sous la plume de journalistes et chroniqueurs bien connus, un point de vue ou une analyse sur l’actualité médiatique.

Les propos reproduits ici n’engagent que l’auteur. La FPJQ ne cautionne ni ne condamne ce qui est écrit dans ces textes d’opinion.

Une campagne sous le signe des fake news

Par Nathalie Collard  

Jeudi, confession : je me suis un peu étouffée avec ma gorgée de café lorsque j’ai pris connaissance du Guide canadien pour lintégrité électorale de Facebook. 

Si vous ne l’avez pas encore vu passer, Facebook a publié un document dans lequel il s’engage à « faire ce qu’il faut pour protéger et préserver l’intégrité des élections » et à s’assurer que « les pages et les comptes des politiciens et des partis politiques sont sécurisés » et « que les gens ont accès à de l’information fiable représentant divers points de vue ». Ce document est accompagné d’un « guide d’hygiène démocratique » pour « soutenir la sécurité de l’information ».  

Ben voyons donc ! 

C’est comme si le pusher qui m’avait vendu une dose coupée avec du détergent était responsable de ma « désintox » ! 

Désolée, mais la confiance n’est plus là et ce n’est pas le rôle de Facebook de dire aux médias comment s’assurer que l’information qui circule est véridique.  

C’est notre rôle à nous, les journalistes.  

C’est le travail des médias d’information, qui, faut-il le rappeler, ont été affaiblis par la présence de géants comme Facebook qui ont aspiré la grande partie des revenus publicitaires. 

La démarche de Facebook est pour le moins ironique, pour ne pas dire un peu insultante. 

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Dans les prochaines semaines, les quatre principaux partis provinciaux utiliseront différents moyens pour rejoindre les électeurs. Parmi ces moyens figurent des stratégies développées autour des plateformes numériques. On sait aujourd’hui que la compréhension et la maîtrise des algorithmes sont un des nerfs de la guerre dans une campagne électorale, quand on veut rejoindre un profil précis d’électeurs. 

C’est dans cet océan de données – qu’encore trop peu de gens maîtrisent et comprennent – que les risques de désinformation et de manipulation sont les plus élevés. 

D’où l’importance de combattre les fausses nouvelles, les fake news. 

Quelques initiatives ont déjà été annoncées par certains médias, dont Ici Radio-Canada, qui fait appel au public pour « dénoncer » des nouvelles douteuses.
On ne voudrait surtout pas qu’il arrive ce qui s’est produit chez nos voisins du sud…
Soyons réalistes : il est bien peu probable que les Russes viennent s’ingérer dans la campagne électorale d’une province francophone du Canada.
Mais pas besoin d’aller jusqu’au nord du Kazakhstan pour trouver quelqu’un qui aurait avantage à voir déraper la campagne d’un parti au bénéfice d’un autre. Et ce risque sera encore plus présent aux prochaines élections fédérales, en 2019.
C’est pour cette raison que la lutte contre les fausses informations est primordiale.  

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Dans La Presse +, mercredi dernier, Edward Greenspon et Taylor Owen, co-auteurs du rapport intitulé La démocratie divisée : contrer la désinformation et la haine dans la sphère publique, proposent des pistes de solution. 

Parmi leurs propositions, les deux spécialistes des médias suggèrent que les plateformes telles que YouTube, Facebook et Twitter soient « assujetties aux mêmes obligations juridiques que les journaux et les diffuseurs concernant la diffamation, les propos haineux et autres ». À ceux qui craignent une forme de censure gouvernementale, ces deux experts répondent ceci : « les éditeurs de journaux et de livres respectent ces lois – ou font face aux conséquences – sans demander l’avis du gouvernement. »  

Greenspon et Owen proposent également qu’on réforme la Loi électorale du Canada afin d’assurer une « complète transparence » en matière de publicité numérique. Enfin, ils souhaitent que les citoyens soient mieux informés sur l’utilisation des données les concernant. 

Voilà des propositions sensées qui devraient être débattues dans un avenir rapproché, avant qu’il ne soit trop tard. 

Bien curieuse de voir si on discutera de cet enjeu crucial pour notre démocratie d’ici au 1er octobre. 

Nathalie Collard est journaliste depuis plus de 25 ans, à lemploi de La Presse depuis 2001. Elle a couvert le secteur des médias durant de nombreuses années, et ce, pour plusieurs publications. Elle est également lauteure de plusieurs essais. 

Les propos reproduits ici nengagent que lauteure. La FPJQ ne cautionne ni ne condamne ce qui est écrit dans ces textes dopinion. 

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