La Fédération professionnelle des journalistes du Québec apporte son soutien à Radio-Canada et dénonce un dangereux précédent dans une décision majoritaire du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications ordonnant à la société d’État de s’excuser pour avoir cité en onde un ouvrage faisant partie du patrimoine de notre nation.
Dans une décision majoritaire rendue hier (https://crtc.gc.ca/fra/archive/2022/2022-175.htm), le CRTC reproche à un chroniqueur du 15-18 d’avoir cité à quatre reprises le titre de l’œuvre phare de Pierre Vallières, Nègres blancs d’Amérique.
Ces mentions ont été faites dans le contexte d’un segment concernant le lancement d’une pétition pour exiger le renvoi d’une professeure de l’Université Concordia qui avait cité en classe le titre de cet essai, écrit en 1967, à propos d’une époque où la classe ouvrière francophone du Québec était « esclave » de l’élite anglophone.
La décision du CRTC fait suite à une plainte d’une personne qui condamnait « la mention du titre complet » du livre. L’ombudsman a rejeté la plainte en affirmant que Radio-Canada n’avait pas à bannir l’utilisation du terme dans tous les contextes, tout en appelant à l’utiliser de manière adéquate et responsable.
Le CRTC, de façon majoritaire, a plutôt estimé que la société d’État « n’a pas respecté la norme de programmation de haute qualité et n’a pas contribué au renforcement du tissu culturel et social ainsi qu’au reflet du caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne ».
Pour la FPJQ, cette décision est un dangereux précédent qui impose aux médias une censure aussi exagérée qu’injustifiée.
« Sortir les mots de leur contexte, faire fi de leur histoire, de leur sens, de leur évolution dans leur usage pour ne garder qu’une seule vision obtuse ne fait qu’imposer une forme de censure déguisée en bienveillance. Il s’agit d’une vision simpliste qui, croyant faire le bien, n’est qu’une insulte à l’intelligence des gens et à la complexité de la langue », a déclaré le président de la FPJQ Michaël Nguyen.
Le journalisme n’est pas là pour plaire ou pour être complaisant, rappelle M. Nguyen. Le Guide de déontologie de la FPJQ indique d’ailleurs, dans ses valeurs fondamentales que les journalistes basent leur travail sur « l’indépendance qui les maintient à distance […] des groupes de pression ».
« Tout dialogue est sain pour une société, la confrontation des idées permet d’avancer collectivement. Ordonner de bannir l’utilisation d’un mot, peu importe son contexte, en ne se basant que sur un ressenti subjectif et arbitraire dénué de toute assise légale, c’est faire dériver la société dans une nouvelle Grande noirceur », ajoute Michaël Nguyen.
Tout comme l’a fait dans une opinion minoritaire la vice-présidente, radiodiffusion, du CRTC Caroline J. Simard, la FPJQ rappelle qu’il n’existe pas de droit de ne pas être offensé et que la liberté d’expression protège les journalistes dans leur droit de citer le titre d’un livre.
La FPJQ souhaite que l’affaire ne s’arrête pas là, afin que les journalistes puissent continuer à informer le public de façon fiable et sans entraves injustifiées.
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