Par Éloïse G. Lamothe
Étudiante finissante en journalisme à l'Université du Québec à Montréal et stagiaire à la FPJQ
Les journalistes sont « en léger surplus » au Québec, selon un rapport du gouvernement québécois qui est toutefois contesté par Patrick White, journaliste, professeur et responsable du programme de journalisme à l’École des médias de l’UQAM.
Le 3 mars dernier, le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale a rendu public le rapport annuel d’équilibre du marché du travail, qui détermine si un domaine professionnel est en déficit, en équilibre ou en surplus de main-d'œuvre.
Dans une liste de 500 professions analysées, les journalistes étaient considérés comme étant « en léger surplus » dans l’ensemble du Québec, et ce, pour une période s’étalant jusqu’à 2023. Selon le rapport, les futurs journalistes devront faire face à des perspectives d’emploi limitées en raison d’une concurrence plus forte dans le milieu des médias.
Aux yeux de Patrick White, les diagnostics de l’état d’équilibre sont très peu représentatifs de la situation actuelle. En fait, il manquerait plus que jamais de journalistes dans la province. « Il y a une pénurie de main-d’œuvre qualifiée en journalisme, parce qu’il y a un changement générationnel qui s’opère au sein de plusieurs médias », explique-t-il.
Selon lui, un nombre important de départs à la retraite est à prévoir dans les prochaines années. Les congés parentaux, les burnouts et les réorientations de carrière sont également des facteurs qui affecteront le milieu de l’information, forçant ainsi les médias à embaucher davantage de nouveaux journalistes.
Le métier de journaliste en péril ?
Si la vision de M. White s’avère optimiste, elle n’est cependant pas partagée par tout le monde. Dans son livre Le journaliste béluga, l’auteur et chercheur Mathieu-Robert Sauvé soulève les défis qui attendent le journalisme au Québec. Paru en août 2020, son ouvrage expose la situation précaire du milieu de l’information. Entre 2009 et 2015, 43% des emplois du secteur de la presse écrite ont été perdus au Québec, selon la CSN. Au Canada, c’est plus de 135 médias canadiens qui ont fermé en 2020, d’après les chiffres de l’Association canadienne des journalistes.
Pour Alain Saulnier, professeur en journalisme à l’Université de Montréal et anciennement directeur général de l’information de Radio-Canada, le métier se fait aussi de plus en plus minoritaire au Québec. Toutefois, il existe selon lui des solutions pour surmonter les défis actuels : « Ce que les journalistes ne font pas correctement, c’est de redéfinir leur rôle dans un monde où l’information et la désinformation cohabitent. […] S’ils veulent rester pertinents, ils doivent se diversifier et se spécialiser. »
Ainsi, M. Saulnier croit que la profession doit se réinventer. À ses yeux, le journaliste ne peut plus se contenter d’être un simple « porte-voix » qui relate ce que l’un ou l’autre a pu dire. Dans un monde envahi par l’information, il se doit également de « choisir la vérité comme motivation première. »
Des « avenues à explorer » en journalisme
Bien que Patrick White ne s’inquiète pas pour le placement de la relève journalistique, il estime que le rapport omet l’important roulement de personnel dans les médias. « Dans les prochaines années, on va manquer de journalistes spécialisés, de journalistes multiplateformes, et il y a de plus en plus de demandes pour ceux qui font de la vidéo et de l’audio. […] Les médias manquent de personnel partout au Québec, et même dans le reste du Canada. »
L’avènement du journalisme multiplateforme représente d’ailleurs un facteur clé du développement de la profession. À moyen et à long terme, de plus en plus de projets continueront d’émerger et nécessiteront une main-d'œuvre qualifiée et diversifiée. Le nombre d’offres d’emploi, de stages, de remplacements et de postes à temps plein ne cessera d’augmenter. Contrairement à ce que prévoit le rapport d’équilibre de marché, les perspectives d’emplois seraient donc plutôt favorables à la relève journalistique.
La crise des médias qui fait rage depuis plus d’une décennie représente un défi de taille pour les journalistes du Québec. La baisse des revenus publicitaires, le manque de financement et la pandémie de la COVID-19 sont tous des facteurs venant fragiliser les emplois au sein des principaux médias de la province.
Malgré tout, l’avenir du journalisme québécois reste prometteur. Le développement de plusieurs secteurs liés à la science et la venue du numérique multiplateforme contribuera vraisemblablement à la création de nouveaux postes dans les salles de presse. Les étudiants de la relève détenant une formation spécialisée en journalisme peuvent ainsi s’attendre à un taux de placement d’environ 70% dans le milieu de l’information, selon les estimations du département de communication de l’UQAM.
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