Billets

Depuis janvier 2018, vous retrouvez chaque semaine, à la fin de votre lettre InfoFPJQ, sous la plume de journalistes et chroniqueurs bien connus, un point de vue ou une analyse sur l’actualité médiatique.

Évidemment, les propos tenus dans le billet n’engagent que leur auteur.

Journalisme de solutions et journalisme scientifique : un mariage évident ?

Par Catherine Paré

Étudiante au diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS) en journalisme de l’Université de Montréal et stagiaire à la FPJQ

Sans même le savoir, le lectorat de Québec Science a depuis quelques mois un avant-goût du journalisme de solutions avec le projet Métamorphose. La rédactrice en chef du magazine scientifique, Marie Lambert-Chan, avoue s’en être inspirée pour cette série d’articles axée sur les solutions et qui se veut une réflexion sur le Québec de l’après-COVID.

« L’ambiance a été tellement morose depuis le début de la pandémie. Je pense qu’on a tous besoin de reprendre une forme de contrôle sur ce qu’on vit présentement. Et d’avoir des solutions, ou du moins des espoirs de solution, c’est une façon de reprendre le volant », indique Mme Lambert-Chan lors d’un entretien sur Zoom.

En riant, elle précise qu’elle et son équipe font pour le moment du « journalisme de début de solutions ». Ne cherchez donc pas l’appellation « journalisme de solutions » sur le site de Québec Science. Elle n’y est pas. Mais un œil averti reconnaîtra des caractéristiques de ce genre en émergence dans les articles de Métamorphose. Bonne élève, la rédactrice en chef justifie sa réticence en expliquant craindre que les textes ne cochent pas toutes les cases nécessaires pour mériter cette étiquette.
 

Quelles sont les caractéristiques du journalisme de solutions ?

  • Il présente une solution à un problème.
  • Il fait un examen détaillé et critique de cette solution.
  • Il démontre l’efficacité de la solution et en décrit les résultats.
  • Il précise les limites de la solution.
  • Il fournit des informations utiles qui pourront servir à d’autres.
  Source : https://www.solutionsjournalism.org/ (traduction libre)


Un genre méconnu

Pour sa part, Laurène Smagghe admet d’entrée de jeu qu’elle en connaît très peu sur le sujet. La rédactrice en chef du magazine scientifique jeunesse Les Débrouillards voit cependant une parenté entre cette approche et celle de son magazine. Par exemple, lorsqu’il est question d’une catastrophe climatique dans un article des Débrouillards, les journalistes s’assurent d’y présenter au moins des pistes de solutions. C’est leur façon d’accompagner les jeunes lectrices et lecteurs, et de ne pas les laisser seuls face au problème. Mme Smagghe estime que le journalisme de solutions « est un genre à surveiller ».

Dans sa quête d’outils pour la série Métamorphose, Mme Lambert-Chan n’en a pas trouvé suffisamment à se mettre sous la dent. Deux conférences, quelques lectures… C’est que les ressources et les exemples sont encore peu nombreux au Québec. Surtout du côté de la science, qui serait un des angles morts du journalisme de solutions, selon Amélie Daoust-Boisvert, professeure adjointe spécialisée en journalisme de solutions pour l’amélioration de la santé à l’Université Concordia.

Un enjeu de santé mentale ?

Dans un monde où des médecins recommandent à leurs patients de limiter leur exposition aux nouvelles, au nom de la santé mentale, le journalisme de solutions a un avantage concurrentiel. Et pas seulement pour le public. « On l’a vu avec la COVID-19, mais moi j’étais là-dedans bien avant. Ça peut devenir assez déprimant de couvrir le milieu de la santé comme journaliste. C’est le jour de la marmotte », lance Mme Daoust-Boisvert dès les premières minutes de l’entrevue.

D’un autre côté, la pandémie a exacerbé le harcèlement envers les communicateurs et les journalistes scientifiques. Mme Smagghe, qui est aussi présidente par intérim de l’Association des communicateurs scientifiques du Québec (ACS), craint que ceux-ci hésitent désormais à aborder certains sujets, par peur de recevoir une volée de bois vert. Cette « cassure » entre les médias et la population devra amener la presse à se réinventer, selon Patrick White. Dans un article du Soleil, le professeur en journalisme de l’UQAM mentionne notamment le journalisme de solutions parmi les avenues à explorer.

Mme Lambert-Chan reconnaît que le journalisme de solutions a quelque chose « d’apaisant » et qu’il suscite « l’espoir ». Il présente en outre des affinités avec la démarche scientifique. Que la solution fonctionne ou non, elle est étudiée avec rigueur et une bonne dose d’esprit critique.

De nouveaux défis

Des obstacles sont toutefois présents. Pour l’équipe de Québec Science derrière Métamorphose, le travail de recherche se révèle complexe et demande du temps. Les projets aboutis ayant des répercussions concrètes ne tombent pas du ciel ! Sans compter que chez les journalistes, le réflexe de mettre d'abord le doigt sur le bobo est solidement ancré. Sa rédactrice en chef juge qu’il faudra multiplier les expériences et les tentatives pour mieux maîtriser le genre.

Réactions positives

Jusqu’à maintenant, les données d’analyse des médias sociaux de Québec Science indiquent que la réception de Métamorphose est bonne. Selon ces statistiques, les gens lisent les articles du début à la fin.

Du côté de la recherche, les études de réception sont encore peu nombreuses. Mme Daoust-Boisvert rapporte qu’une tendance s’en dégage tout de même : le journalisme de solutions est généralement perçu de manière positive par le public.

 

X Journalism

  • Les théoriciens inscrivent le journalisme de solutions, aussi appelé journalisme constructif ou d’impact, sous le concept du « X Journalism ». L’évolution constante de la profession a mené à la création de nouveaux termes, soit des combinaisons du mot « journalisme » et d’un modificateur (« X ») exprimant sa particularité. On y trouve aussi d’autres genres comme le journalisme gonzo, le journalisme citoyen ou le journalisme de données, par exemple.
  Source : https://xjournalism.org/


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